CM du 17/05/10 - Délibération 46-B 011 - SOLIDARITE

Création du collège d’éthique de la vidéosurveillance des espaces publics

Interventions d’Olivier Bertrand et Gilles Kuntz

Nous interviendrons donc à deux voix, Gilles Kuntz plus spécifiquement sur le collège d’éthique.

Intervention d’Olivier Bertrand

Je tiens d’abord à rappeler Monsieur Safar, vous avez dit que je vous avais interpellé en 2009 et que vous aviez promis une délibération sur le comité d’éthique, non ! Non, ce que vous aviez dit à l’époque, c’était une délibération sur la vidéosurveillance. Or, le premier reproche que l’on peut faire, à cette heure-ci et à ce moment de l’ordre du jour, c’est que nous regrettons vivement votre volonté d’éviter au maximum le débat sur la vidéosurveillance. Ce qui s’est passé en début de séance aurait pu être évité si on avait réellement voulu éviter de se cacher derrière son petit doigt sur cette question. Elle est venue déjà dans une délibération, c’est celle que j’ai évoqué en 2009, au milieu d’une convention avec le CLUQ, aujourd’hui, on passe par le comité d’éthique mais le débat que nous avons demandé, à plusieurs reprises, sur la vidéosurveillance elle-même n’a pas eu lieu, ni dans cet hémicycle, ni en débat public avec les citoyens et c’est notre première remarque et notre premier reproche.

Vous avez à plusieurs reprises Monsieur le 1er adjoint annoncé qu’il ne s’agissait pas pour vous d’une question politique, que votre seule volonté était d’être pragmatique et vous l’avez en quelque sorte rappelé ce soir. C’est une manière un peu facile de dire que les idéologues, c’est les autres.

De fait, c’est bien vous qui suivez la politique purement sécuritaire, d’idéologie sécuritaire, du gouvernement. Vous ne le faites pas avec les mêmes arguments mais le résultat est le même et vous allez installer des caméras dans notre ville pour surveiller la population.

Vous avez cité beaucoup d’exemples dans votre introduction. Mais à chaque fois, c’est sur des lieux clos ou privés, ce n’était pas sur l’espace public, en tous cas, sur la voie publique. Et je ne développerai tout ce que j’avais à dire : je crois que Monsieur Gémani a dû piquer dans notre bureau notre intervention parce qu’on a pratiquement les mêmes arguments sur le fond de la vidéosurveillance. Comme il y a beaucoup d’intervenants qui vont s’exprimer ce soir, on va pas citer les auteurs, tous les spécialistes de la question vont quasiment sur les mêmes conclusions, pour dire en gros que la vidéosurveillance, à grande échelle comme en Angleterre, ou à l’échelle de communes n’a jamais donné les résultats escomptés. Je vais m’en tenir à une citation de Tanguy le Goff, chargé d’étude sécurité en Ile de France, qui s’est exprimé sur la vidéosurveillance dans Ville, Rail et Transports de décembre 2009, qui disait en parlant de la vidéosurveillance, je cite : « sur des atteintes à la personne – agressions, bagarres – il n’y a clairement pas d’effet. Et cela est systématiquement démontré à la fois sur des études statistiques et des études auprès des délinquants. (…). Ces délinquants expliquent que la vidéosurveillance les oblige à se déplacer mais qu’en aucun cas cela ne les empêche de passer à l’acte. »

Autre analyse, et vous avez cité Sébastien Roché que je reprend, il a récemment rappelé, qu’à investissement égal, l’amélioration de l’éclairage public avait beaucoup plus d’effet sur la baisse des actes de délinquances que la vidéosurveillance.

Donc ce spécialiste a été utilisé –je ne sais pas si c’est le terme exact- mais en tous cas sollicité par des communes de l’agglomération pour se prononcer sur la question de la vidéosurveillance. Vous avez cité son nom pour participer au comité d’éthique mais nous regrettons qu’il n’ait pas été utilisé pour le débat public que nous attendions sur cette question de la vidéosurveillance.

Enfin, vous avez cité aussi les objectifs de l’expérimentation et les objectifs par lieu d’installation. Mais à vous écouter, on ne peut s’empêcher de penser que le nombre de lieux est infini, tant les problèmes sont nombreux et tant ils peuvent se déplacer d’un lieu à un autre. Vous avez notamment parlé des incendies de voitures. J’étais, comme d’autres élus, dans une Assemblée Générale d’Union de Quartier la semaine dernière où des personnes, plutôt âgées bien sûr –car c’est de ces personnes là que remontent le plus ces demandes là- ont dit « oui mais dans ma rue, il y a une voiture qui brûlait la semaine dernière. Pourquoi vous ne surveillez pas ? ». Mais, toutes les rues de Grenoble pourraient, dans cette logique de fuite en avant, demain être surveillées car les problèmes sont infinis. Donc, pour nous, il s’agit réellement d’une question politique. Ce n’est pas une question pragmatique, c’est une question politique. Il nous semble que les expériences qui ont été menées à grande échelle et à l’échelle communale dans plusieurs villes françaises montrent que cette vidéosurveillance n’est pas efficace, qu’en plus, d’un point de vue éthique, c’est une atteinte claire, de notre point de vue, aux libertés individuelles et nous sommes donc clairement opposés à cette solution.

Intervention de Gilles Kuntz

Cette délibération repoussée en deuxième partie de soirée aurait dû être placée en ouverture de notre Conseil tant il s’agit d’une délibération d’importance qui n’est pas simplement une délibération technique, comme on voudrait le faire croire, mais qui provient bien d’un choix de société auquel, pour notre part, nous ne souscrivons pas.

Nous sommes intervenu à plusieurs voies pour montrer effectivement que cette question de la vidéosurveillance ne peut se réduire à la simple mise en place d’un comité ad hoc. Néanmoins, j’ai l’impression d’être le seul à intervenir sur le sujet que vous nous imposez, c’est-à-dire le collège dit « éthique de la vidéosurveillance ».

Nous avons déjà demandé dans ce Conseil une vraie instance de dialogue avec les habitants qui ait un pouvoir de proposition et puisse préparer des orientations en la matière pour notre Conseil municipal. Pour nous, le collège que vous nous proposez n’est pas celui que nous attendions. Ce collège devait pouvoir élaborer, par exemple, une charte qui encadre l’usage et l’extension de la vidéosurveillance et qui serait le fondement voté par les élus qui engagerait la Ville.

Au lieu de cela, vous nous proposez que ce collège n’élabore qu’un règlement intérieur et une charte éthique qui n’aura aucune valeur juridique. En matière de vidéosurveillance, il est utile de prendre connaissance des expériences menées ailleurs. Vous avez pris cet exemple aussi, proche de nous, Lyon est souvent citée en exemple. Il est vrai que le Conseil de Lyon a voté une charte qui, elle, impose au Maire que tout nouveau site proposé à la vidéosurveillance soit préalablement mis en débat avec le conseil de quartier concerné puis au vote du Conseil municipal. De même, dans cette charte, il est indiqué que les visites impromptues du collège d’éthique pourront avoir lieu dans les salles d’exploitation de la vidéosurveillance. Nous en sommes loin.

Mais malgré ces avancées par rapport au collège que vous nous proposez, des associations dont la Ligue des Droits de l’Homme ont décidé de quitter cette instance lyonnaise au bout de quelques années, considérant qu’elle était vide de sens.

La LDH a d’ailleurs publiquement fait état de leur position nationale en écrivant dans un livret, que j’ai ici, intitulé « Contre la liberté surveillée » : « La LDH réaffirme son opposition à toute participation aux comités d’éthique ». Vous aviez pourtant annoncé leur participation à ce collège en commission, sans même les avoir consultés. Ce n’est pas ainsi que l’on doit respecter les associations au lieu de les instrumentaliser.

Vous l’avez compris, le collège d’éthique de la vidéosurveillance qui nous est proposé ne correspond pas à ce que nous avons souhaité. Nous sommes d’ailleurs cohérents par rapport à d’autres qui s’expriment ici avec notre opposition à la vidéosurveillance. Nous voterons donc contre la mise en place de ce collège et ne participerons pas à cette instance. Cette instance ne pourra mener aucune évaluation –comme vous l’avez dit- sur l’inefficacité de la vidéosurveillance –il est vrai qu’elle est patente et a été montrée ailleurs- ni même être le relais des habitants qui n’ont jamais été consultés sur cette question.

Je finirai par regretter que les études, pourtant présentées en commission, ont été jugées par le Maire « préalables à la décision » et donc non communicables. Nous nous posons la question : à quelle décision servent-elles ? Ne sommes-nous pas des élus du peuple pouvant aussi prendre des décisions ?
Nous voterons donc contre cette délibération aussi parce que nous ne pouvons pas voter en connaissance de cause.

Délibération adoptée. Votes :

-  6 Contre (Verts, Ades, Alternatifs)

-  4 Abstentions (PC)

-  49 Pour (PS / UMP / MoDem / Go)




Groupe Écologie & Solidarité
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