Conseil de La Métro du 28 mai 2010

Rocade nord de l’agglomération grenobloise. Conclusions de la commission d’enquête publique. Position de la Métro pour les suites à donner

Intervention de Gilles Kuntz

Nous demandons de mener la seule étude sans rocade qui soit responsable pour l‘avenir devant les nouvelles prescriptions qui s’imposent à tous de diminution des émissions des GES. Tirons les leçons de cet avis défavorable donné à ce mauvais projet pour l’enterrer définitivement, mais aussi pour rebondir vers des alternatives réalistes à l’augmentation de l’utilisation de la voiture et des poids lourds. Il y va du bien-vivre de toutes et tous comme d’un développement bien compris de notre agglomération.

Un projet de contournement routier nord qui ne répondait pas à l’intérêt général

Les politiques publiques des déplacements ont donné lieu à des évolutions législatives et règlementaires très importantes ces dernières années.

Les lois LOTI, LAURE et SRU ont renforcé les exigences concernant les déplacements dans les grandes agglomérations, par l’obligation de la diminution du trafic automobile et la priorité au développement des transports collectifs et des moyens de déplacements économes et les moins polluants. La loi de programme du 13 juillet 2005, fixant les orientations de la politique énergétique, a rappelé la nécessité de réduire les consommations d’énergie liées aux transports.

L’exigence de diminution du trafic automobile est donc une exigence très forte. Un projet qui ne vise pas à diminuer le trafic automobile n’est pas d’intérêt général. Or le projet de rocade nord n’a respecté pas cet objectif puisqu’il augmentait le nombre de déplacements en automobile et les distances parcourues.

Le dossier d’enquête publique n’a pas apporté les éléments démontrant que cette rocade est une nécessité, c’est-à-dire qu’aucune autre solution ne pouvait mieux répondre aux exigences de la situation.

Il ressort de ce constat que le défunt projet de rocade nord du CGI n’était pas d’intérêt général et c’est à juste titre que la commission d’enquête publique a refusé à l’unanimité de lui conférer cette qualité. Saluons d’ailleurs le travail de tous les habitants regroupés ou non en associations qui ont largement contribué à cette décision.

Rappel des enjeux prioritaires dans l’agglomération grenobloise et la région urbaine

Le projet a oublié de rappeler les enjeux prioritaires en ne se focalisant que sur l’intérieur de l’agglomération grenobloise et en oubliant ce qui se passe à l’échelon de la Région Urbaine Grenobloise.

Le SDAU rappelle que la part modale des transports en commun est trop faible, ceci peut être combattu par la diminution de l’utilisation de la voiture et la forte augmentation de l’utilisation des Transports en Commun.

Tout le monde reconnaît que les enjeux prioritaires dans les déplacements sont liés aux difficultés d’accès à l’agglomération aux heures de pointe dues à l’explosion des déplacements périurbains qui se font très majoritairement en voiture.

Il n’y a pas de problème d’accès à l’agglomération aux heures creuses, ni de problèmes majeurs de circulation dans l’agglomération aux heures normales et en règle générale.

Le projet Rocade Nord du CGI n’apportait aucune amélioration pour les accès à l’agglomération grenobloise pourtant enjeu principal et prioritaire, bien au contraire.

Même si les simulations de trafic doivent être prises avec une grande prudence, il ressort de toutes les études (AURG de février 2007 et EGIS en 2008) que le projet de rocade, quel que soit le scénario, aurait aggravé les trafics automobiles aux entrées et sorties de l’agglomération.

Il y a systématiquement augmentation des trafics par le phénomène bien connu des spécialistes des déplacements : toute infrastructure routière nouvelle entraîne un nouvel appel à la circulation automobile et engendre un accroissement de la circulation automobile contraire aux principes fixés par la loi LOTI, aux textes législatifs et réglementaires, aux directives et conventions internationales auxquelles la France est soumise.

Il apparaît clairement que le projet de rocade ne s’attaquait pas aux enjeux principaux de l’agglomération et de la région urbaine que sont les bouchons aux entrées de l’agglomération aux heures de pointe. Au contraire il allait les aggraver en augmentant le trafic ! Ceci est en contradiction notamment avec le SDAU qui demande de « remédier à la saturation des grandes infrastructures ».

Toute proposition cohérente et qui se veut efficace doit en tout premier lieu viser à diminuer fortement l’afflux de voitures aux entrées et sorties de l’agglomération.

La seule justification qui restait pour défendre ce projet était qu’il permettait de désengorger le centre ville (à l’intérieur du ring) et faciliter ainsi le développement des transports en commun qui voient leur vitesse commerciale baisser. Ceci peut être obtenu sans la rocade, pour beaucoup moins cher, donc avec des solutions plus efficaces au regard des objectifs législatifs et réglementaires, et beaucoup moins onéreuses pour les particuliers et les collectivités publiques.

Quant au prochain SCOT, il mise sur le concept de chrono-aménagement où les gains de temps doivent être obtenus sans avoir recours à la voiture.

Nos propositions

Face aux approximations, manques, erreurs, dissimulations et tromperies du dossier d’enquête publiques, nous avons demandé à ce que soit étudié un scénario qui réponde enfin aux exigences des lois et règlements afin que l’avenir dans la région urbaine grenobloise soit vivable et durable à long terme.

Nous partons du constat que les scénarios sans rocade tels que présentés dans le dossier étaient eux-mêmes très loin de répondre à ces exigences.
Par exemple, lors des études sur le PDU 2007-2012 le SMTC annonçait que grâce aux mesures prévues, en 2012, la part modale des déplacements en voiture des habitants de l’agglomération pourrait diminuer jusqu’à 44 %. Or les simulations (non rendues publiques) indiquaient que cette part modale resterait à 51 %. Les mesures alternatives à la voiture prévues étaient donc très insuffisantes. Cela se vérifie tous les jours.
Il faut donc prévoir d’investir beaucoup plus que prévu sur les modes alternatifs à la voiture.

La demande est donc de faire d’étudier sérieusement la contre-proposition ci-dessous qui est fondée sur quelques principes respectueux des textes législatifs et réglementaires :
- La grande priorité au développement des transports ferroviaires à l’échelle de la RUG pour transférer des milliers de déplacements périurbains de la route sur le rail dans les périodes de pointe ; le site de vallées de l’Y grenoblois depuis fort longtemps équipé en voies ferrés et en équipements est un atout qu’on ne retrouve dans aucune agglomération de cette taille ; il pourrait être valorisé pour permettre le rabattement des automobilistes sur des gares bien desservies par des transports collectifs cadencés et performants bien connectés aux réseaux internes.
- Ainsi que le propose le SDAU : « Il faudra toutefois aller plus loin et réguler les déplacements automobiles. Une politique spécifique et volontaire reste indispensable. Elle passe par le développement prioritaire des transports collectifs, par des politiques de stationnement restrictives dans les milieux urbains denses, par la reconquête de l’espace au profit des modes alternatifs à l’automobile et par des actions sur la gestion des flux (modulation des vitesses). » Donc il est prévu de diminuer encore plus les capacités des voiries pour les voitures et augmenter les TC en site propre dans toute l’agglomération et les modes doux.
- Il faudra aussi inciter à des changements importants dans l’organisation de l’espace, l’utilisation de la voiture et des modes de travail, bien au-delà des incitations actuelles ; en particulier dans une région urbaine très branchée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il faut absolument développer le télétravail et la téléactivité susceptible de favoriser la régulation du trafic aux heures de pointe. Une bonne utilisation de ces technologies pour un coût non prohibitif serait susceptible de faire baisser notablement le trafic aux heures de pointe.

Action forte sur les déplacements périurbains.

La grande faiblesse de la proposition du CGI était de ne pas vouloir s’attaquer aux problèmes de fond de la région urbaine grenobloise. Le projet de rocade repose sur un contre sens majeur, la priorité des investissements lourds pour diminuer les trafics automobiles doit porter d’abord sur le périurbain, c’est-à-dire là où les gains de distances de déplacement peuvent être massivement gagnés sur l’automobile. Un déplacement périurbain dans la RUG hors agglomération est en moyenne trois à quatre fois plus long qu’un déplacement dans l’agglomération.

Il est évident qu’il faut agir à la source du développement du périurbain en permettant d’éviter l’étalement urbain et l’éloignement domicile-travail-commerces-loisirs. De ce point de vue le scénario macroéconomique « Cohésion avant tout » de l’AURG pour l’horizon 2025 doit être examiné de près et pris comme guide pour les politiques publiques. Il s’agit là de politiques sur le long terme et il faut trouver des solutions pour le court terme qui soient efficaces pour diminuer fortement le trafic automobile provenant de la périurbanisation et de l’éloignement domicile-travail.

Il faut mettre tous les moyens pour dissuader les véhicules particuliers et les poids lourds en amont de l’agglomération en offrant des propositions alternatives. Vu les distances moyennes parcourues et le temps passé par les périurbains aux heures de pointe, c’est l’utilisation des TER couplée au développement de la téléactivité comme le recommandent les directives européennes et le Grenelle de l’environnement qui sont des solutions plus pertinentes. L’objectif est de doubler l’utilisation du TER pour 2014 par rapport aux estimations actuelles. Ceci ne sera possible qu’à trois conditions :
- Améliorer les conditions d’accueil dans les gares, et la construction de parkings relais dans toutes les gares
- Augmenter la capacité et la fiabilité de transport des TER qui sont saturés pour certains aux heures de pointe.
- Organiser une concertation entre entreprises, salariés et administration sur la mise en place du télétravail et de la téléactivité en jouant sur la flexibilité du temps de travail. Grenoble ville branchée sur les hautes technologies pourrait devenir pionnière.

S’il le faut, il convient aussi de mettre en place des lignes express de bus uniquement aux heures de pointes sur certains itinéraires très empruntés qui complèteraient les TER.
Dans certains cas des liaisons par câble peuvent être envisagées depuis certaines gares des TER pour desservir des zones d’emploi, par exemple de la gare de Brignoud à Crolles. L’investissement est faible et cela permet de franchir l’obstacle de l’autoroute et relier les deux rives de l’Isère dont les relations sont difficiles hors utilisation de la voiture.

Les différentes autorités d’organisation des Transports et le Conseil général devront mettre en place un service de covoiturage pour la mise en contact entre offre et demande. Sur les autoroutes il peut être envisagé des tarifs incitatifs dès qu’il y a plusieurs personnes dans la voiture avec des voies de péages réservées. Actuellement, dans les embouteillages l’immense majorité des voitures transporte seulement une personne. Si 10 % des conducteurs adoptent cette solution, c’est immédiatement une diminution de presque 5 % du trafic.

L’étude de l’AURG de février 2007 sur le projet de rocade du CGI indiquait qu’à l’heure de pointe du matin environ 2 400 voitures sur A 48 au niveau du péage de Voreppe (sur 10 000), emprunteraient la rocade. C’est sur ce trafic qu’il faut prioritairement agir car ce sont des utilisateurs potentiels des transports par TER, soit en tant que périurbains venant dans l’agglomération ou la traversant, soit en tant qu’habitants de l’agglo allant loin en dehors de l’agglomération.

Il est essentiel de prévoir une régulation aux péages ou aux entrées sur les portions d’autoroutes gratuites pour que le temps en transport en commun soit équivalent ou inférieur à celui en voiture. Car une diminution sensible du trafic pourrait inciter les usagers à reprendre la voiture. C’est l’application du « chrono-aménagement » prévu dans le futur SCOT. Il ne faut pas chercher à favoriser des gains de temps en voiture comme l’a fait le CGI. C’est une vision conservatrice et rétrograde, d’un passé qui a fait la preuve de ses impasses.

Les coûts des investissements pour ce scénario ne dépasseront pas 350 à 375 millions d’euros, donc un coût très nettement inférieur au projet du CGI.

On peut estimer à 3 % la diminution des distances parcourues dans la RUG hors agglomération soit environ 400 000 véh.km en 2014 et une poursuite de cette diminution en 2025.

Déplacements dans l’agglomération

Les efforts faits pour développer les alternatives aux déplacements automobiles ont porté leurs fruits et demandent à être amplifiés. Il y a eu une baisse du trafic automobile au centre de l’agglomération à la fois grâce à la diminution des capacités des voiries, de la politique restrictive en matière de stationnement et à une offre importante de TC et au développement des itinéraires cyclables qui a permis un développement des 2 roues. Il donc faut poursuivre et amplifier cette politique qui marche, en étendant à l’avenir les mesures prises dans la ville centre à l’ensemble des communes périphériques.

Le plan de circulation du scénario volontariste doit être la base de la réflexion en le complétant par des diminutions de capacité d’autres voiries pour installer des TC en site propre sur de nombreux itinéraires de bus et de multiplier le pilotage des feux pour donner la priorité aux TC. La mise en place d’un TC en site propre coté rive droite de l’Isère dans le Grésivaudan doit être étudiée.
Avec un tel schéma de développement des transports, les gains en vitesse commerciale seront vite très importants

Le projet de PDU 2007-2012 indiquait qu’il était possible à l’horizon 2012 d’envisager une part modale pour le trafic VP des habitants de l’agglomération de 44 % alors que les simulation du scénario partagé (lequel est la base de toutes les études sur la rocade nord) donnaient 51 %.
Il y avait donc une perspective de diminution de presque 15 % du trafic automobile par rapport aux simulations.

Cet objectif est rendu crédible par la très forte fréquentation de la ligne C par rapport aux prévisions et aux simulations. Le scénario partagé 2012 indiquait 31 500 voyages par jour sur cette ligne en 2012 alors qu’il y en a actuellement déjà 44 000.

Il est donc tout à fait raisonnable de décrire un scénario où la distance parcourue en VP diminue :
- de 10 % dans Grenoble par rapport aux simulations pour 2014, soit 200 000 véh.km de gagnés,
- de 5 % dans le reste de la Métro soit 300 000 véh.km de gagnés

Le coût en investissements supplémentaires par rapport au scénario volontariste 2014 peut être chiffré à moins de 100 M€ : aménagements de voirie et achats de bus supplémentaires et on peut aussi envisager la réinstallation du trolleybus.

Il faut noter qu’actuellement, la ville de Grenoble mène le projet « Esplanade » avec la suppression de l’A 48 à l’entrée de Grenoble, même si cela pose de sérieuses questions. Ce projet devrait être débattu au niveau de la Métro et du Conseil général et pas uniquement dans la ville centre, car d’importants changements peuvent être envisagés qui entraîneront des baisses de trafic automobile significatifs.

Conclusion

Cette contre proposition implique un coût en investissement de moins de 500 M€ soit bien moins important que celui de la rocade, mais avec des résultats beaucoup plus intéressants et significatifs sur la diminution du trafic automobile, de la consommation énergétique et de la production de gaz à effet de serre. On peut estimer à environ 900 000 véh.km de gagnés dans l’ensemble de la RUG par rapport au scénario volontariste 2014 et une amplification les années suivantes.

Cette contre proposition est beaucoup plus favorable que le projet du CGI, en terme d’émission de gaz à d’effet de serre, de diminution de consommation d’énergie, de pollution atmosphérique et de bruit, de respect des monuments historiques, de non bouleversement des berges de l’Isère (et dans une moindre mesure du Drac), sans les inconvénients très importants de la phase chantier de la rocade. Cette contre-proposition permet d’atteindre les mêmes objectifs d’amélioration des TC au centre de l’agglomération que la proposition du CGI. Elle est beaucoup moins chère et plus facilement réalisable. Elle applique le concept de chrono-aménagement que veut développer le prochain SCOT. La diminution de la pollution atmosphérique de fond par la diminution globale du trafic est très positive en termes de santé publique, puisque c’est la pollution de fond qui est principalement responsable des atteintes à la santé. Le bilan carbone est largement positif puisqu’il y a un gain immédiat de carburant avec une diminution importante des véh.km. Il n’y a pas à compenser le bilan carbone de la construction de la rocade qui est très lourd. Gain de temps aussi car le nombre d’heures passées en voiture diminuera mécaniquement par la diminution du trafic.

Vous l’avez compris, même si de nombreuses études se sont empilées sur ce dossier depuis des lustres, nous demandons de mener la seule étude sans rocade qui soit responsable pour l‘avenir devant les nouvelles prescriptions qui s’imposent à tous de diminution des émissions des GES. Tirons les leçons de cet avis défavorable donné à ce mauvais projet pour l’enterrer définitivement, mais aussi pour rebondir vers des alternatives réalistes à l’augmentation de l’utilisation de la voiture et des poids lourds. Il y va du bien-vivre de toutes et tous comme d’un développement bien compris de notre agglomération.

Ce projet de délibération qui en bureau était tout autre (alors qu’il est indiqué ici que le bureau l’a approuvé) redemande un contournement routier au nord de l’agglomération. Il affirme « la nécessité de réaliser le contournement nord de l’agglomération grenobloise. » avant même que le comité des sages qui sera mis en place lundi prochain par le SMTC n’ait tranché. Il ne peut être voté en l’état par notre assemblée.
Nous demanderons donc un vote séparé de la phrase ci-dessus et du délibéré pour accepter ce qui est positif et refuser le mauvais projet de rocade nord que l’on veut ici ressusciter.




Groupe Écologie & Solidarité
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