CM du 7 juillet 2008 - Délibération 1-D 012- UNIVERSITE RECHERCHE

Opération Campus : "Grenoble Université de l’innovation".

Intervention de Gilles Kuntz

Avant de débattre au fond de cette « opération Campus » , nous voudrions souligner le nouveau rattachement du service “Université-Recherche” de la Ville de Grenoble qui a été transféré au début de ce mandat de la direction “Culture-Sports-Education” à la direction « Économie-Insertion ». Parallèlement, c’est l’adjointe à l’Économie qui nous présente aujourd’hui cette délibération quand, dans le mandat précédent, une délégation spécifique d’adjoint existait.

Ce changement opéré au début de ce mandat est révélateur d’une volonté de cette majorité d’atteler l’Université et la Recherche à l’Industrie et à ses intérêts immédiats. Sans nier la nécessité de former des étudiants pour entrer sur le marché du travail, il est dangereux de restreindre ainsi les enseignements à ceux uniquement qui ont une application directe pour les industriels. Des pans entiers de nos universités n’ont ainsi pas leur place, plus leur place, dans ce plan campus, que ce soit notre Université de Langues et Lettres, une grande partie de l’Université des Sciences Sociales ou même des secteurs des sciences dites dures qui font de la recherche fondamentale. Il est à craindre que ces oublis ne préfigurent une « vente à la découpe » des Universités de Grenoble.

Dans cette délibération, il nous est demandé d’apporter un soutien à un plan qui ne nous est pas communiqué. Ce n’est pas deux pages de texte, ni même les transparents qui viennent d’être projetés, qui peuvent éclairer les éluEs sur ce dossier. Pourquoi la lettre d’intention qui a été adressée en avril au ministère pour candidater au plan campus ne nous est pas communiquée malgré notre demande écrite ? Ce dossier, comme celui de la rocade Nord, de Giant, de Minatec, de Biopolis… , et j’en passe, est encore une fois un dossier réservé et conduit dans la plus grande opacité à la demande des collectivités si nous sommes bien informés.

Pour en venir à ce plan campus, de quoi s’agit-il ? L’État, après ses largesses pour les riches et ses 15 milliards de cadeaux qui se renouvelleront chaque année, n’a plus les moyens de sa politique. Il ne peut s’endetter encore plus, étant déjà au-delà des critères de Maastricht en la matière. L’Université française aurait en fait besoin d’un plan d’ampleur que le collectif « Sauvons la Recherche » chiffre autour de 20 milliards d’euros. Ce plan ne laisserait aucun secteur ou aucune université au bord du chemin. Mais le gouvernement ne peut plus financer cette somme sans revenir sur ces mauvais choix ou prendre la décision de supprimer quelques niches fiscales. La droite fait donc ce qu’elle a toujours pratiqué en pareille circonstance : elle privatise un peu plus le secteur public en vendant une part d’EDF (3% du capital et non 5 comme il est dit ici). Les 5 milliards ainsi récoltés ne permettant d’intervenir que sur quelques universités, le gouvernement lance alors son « opération campus » pour laquelle Grenoble candidate et est présélectionnée pour déposer son dossier pour la fin novembre. Parmi les critères qui ont présidé au choix du site grenoblois figurent sans conteste les financements des collectivités qui acceptent, comme ici, de sortir de leurs compétences pour venir au secours de l’État, ) l’image de la Ville de Grenoble qui annonce engager dans cette délibération plus de 8 millions d’euros.

Ce plan ne concerne que le bâti. Pas un seul poste d’enseignant, de chercheur ou de personnel technique et administratif ne sera créé. Il s’appuie, pour toutes les opérations, sur le credo de la droite entonné aujourd’hui aussi par une partie du PS : le Partenariat Public-Privé. Les bâtiments construits seront de la propriété privée et la privatisation rampante d’EDF ne servira qu’à payer les loyers… L’Université entrera ainsi de plain-pied dans un monde, nouveau pour elle, de la rentabilité financière immédiate avec des ressources gagées sur les taux d’intérêt des placements. Il est à craindre que cette même logique ne touche tous les secteurs de la recherche publique comme ici dans cette délibération où ce n’est pas le nombre de publications qui compte mais le nombre de brevets, ce qui place Renault ou Peugeot devant la meilleure des universités !

Cette délibération ne nous dit pas quel est le rôle de chaque partenaire. Les collectivités n’ont pas à participer ni à la définition des cursus enseignés, ni au choix des projets de recherche à financer. Il faut laisser les universitaires décider avec leurs instances ou celles de la future Université de Grenoble, que nous appelons de nos vœux, regroupant toutes les disciplines, sans en oublier aucune comme le fait aujourd’hui cette opération dans sa proposition actuelle.

Le développement du pôle universitaire grenoblois doit être équilibré. Après le projet GIANT au Polygone qui ne regardait qu’à l’Ouest, comme le Maire de Grenoble proposant des tours « comme à Manhattan », un MIT comme à Boston, Park Avenue et j’en passe… ce projet propose enfin de redonner deux poumons à notre Université avec un développement du campus de Saint Martin d’Hères-Gières en parallèle de celui de la presqu’île, même s’il faut en convenir, les moyens sont déséquilibrés avec 9000 € par étudiant au Polygone contre 600 seulement au campus. Notons au passage l’oubli de la colonne vertébrale prévue au Schéma Directeur qui va du CRDP à l’Institut de la Communication et des Médias d’Échirolles en passant par l’IUFM et la Cité des Territoires à Vigny-Musset. Les disciplines qui y sont enseignées ne sont-elles pas assez nobles ou bien à quoi bon réhabiliter les bâtiments d’un IUFM dont le président de la République a décidé de la disparition ? Contentons-nous donc des seuls poumons dont il est question ici. L’opération campus en profite au passage pour redonner une utilité à la Rocade Nord dont tout le monde sait qu’elle ne diminuera pas les bouchons aux entrées de l’agglomération. Présenter cette Rocade à péage comme un moyen de communication rapide entre les deux pôles universitaires relève de la manipulation. D’une part, les étudiants (quand ils possèdent une voiture) et le personnel ne paieront pas 4 euros minimum l’aller-retour pour une heure de cours ou une réunion, d’autre part le projet oublie que la Rocade Nord ne mène pas au campus mais à La Tronche et qu’il faudra faire inutilement des kilomètres en voiture qui augmenteront encore la pollution de la cuvette grenobloise. Par contre, il est essentiel de prolonger sans attendre la ligne B sur le Polygone et de lancer la ligne E qui irait de Montbonnot au Fontanil dans un premier temps.

Pour finir par le point que nous jugeons le plus important : celui de la coproduction du projet avec tous les acteurs. On peut admettre que la lettre d’intention de 10 pages ait été déposée dans l’urgence face à un gouvernement qui lance des projets à la hussarde. Mais depuis la fin avril, il y avait le temps de mettre au débat dans les universités et dans la population ce projet qui nous concernera tous s’il aboutit. Au lieu de cela, nous assistons encore une fois à une complète opacité autour de l’opération campus. De quoi a t-on peur ? Que les disciplines écartées du projet ne s’en rendent compte et réagissent ? Que les habitants qui ne veulent pas de tours qu’on démolit ailleurs et sont ingérables le disent ? On ne peut tenir des discours sur les jurys citoyens et faire dans la réalité tout le contraire. Grenoble dont les habitants ont montré dans le passé leur citoyenneté et leur engagement pour le développement de leur ville mérite mieux.

Je vous remercie.

Délibération adoptée. Votes :

Abstention : 6 (Verts, Ades, Alternatifs)

Pour : 53 (PS / UMP / MoDem / PC / Go)




Groupe Écologie & Solidarité
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